Fact Check

Les agrocarburants participent-ils à la réduction des gaz à effet de serre ?  

Vantés pour leur vertus écologiques, les agrocarburants polluent pourtant plus qu’on ne le croit.

Les agrocarburants sont souvent présentés comme un moyen de diminuer l’empreinte carbone de nos transports. Dans la pratique, ils sont en moyenne plus polluants que les carburants fossiles.  

Les biocarburants participent à la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans la mesure où le CO2 dégagé lors de leur combustion est compensé par le CO2 absorbé par les végétaux lors de leur croissance”. Cette phrase issue du site du ministère de la Transition Écologique et Solidaire est partiellement fausse.  

Le terme biocarburant est, en lui-même, contestable. Certes, ils s’appellent biocarburants car ils proviennent de la biomasse, de la matière organique végétale. Ils se cultivent pourtant avec des pesticides et des engrais. Depuis 2013, les parlementaires français utilisent plutôt le terme d’agrocarburant.  

Après leur production, les agrocarburants sont mélangés à des carburants fossiles (l’essence pour le bioéthanol et le gazole pour le biodiesel) dans des proportions allant généralement de 5 à 10 %. Le biodiesel utilise de l’huile de colza, de tournesol ou de palme. Le bioéthanol utilise l’alcool issu du sucre, de la betterave ou du maïs. Les agrocarburants de deuxième génération sont issus de cultures non destinées à l’alimentation humaine ou animale comme les résidus forestiers. Qu’ils soient de première ou de seconde génération, les agrocarburants sont réputés plus “verts” que les carburants classiques.  

Les agrocarburants en question dans l’Union européenne 

En 2009, la Commission européenne adopte une directive afin d’atteindre 10 % d’agrocarburants dans les transports d’ici à 2020. L’objectif est alors d’augmenter progressivement la proportion d’énergie renouvelable dans les transports. La Commission Environnement, santé publique et sécurité alimentaire rend, en 2013, un avis demandant la baisse de la part des agrocarburants de première génération, ceux issus de cultures alimentaires. Elle s’inquiète des répercussions des agrocarburants, déjà critiqués. Le Parlement européen suit son conseil et vote la diminution de l’objectif à 6% pour les agrocarburants de première génération et 2,5% pour ceux de seconde génération.  

Les agrocarburants, un bilan mitigé pour l’environnement  

Certes, les agrocarburants absorbent du CO2 quand ils sont encore sous forme de plantes. Mais il faut soustraire à cela les effets directs comme le CO2 rejeté lors de leur production et de leur combustion mais aussi tous les effets indirects comme le changement d’affectation des terres.  

Imaginons qu’un industriel détruise une forêt tropicale pour créer une plantation de palmier à huile pour de l’agrocarburant. En déforestant, il supprime alors la captation future de CO2 de la forêt et met au jour une tourbière, un sol à haute teneur organique. En labourant cette tourbière, beaucoup de CO2 est libéré. “Dans cet exemple, il faudrait une période de 600 à 700 ans pour compenser la libération de carbone”, souligne Alain Karsenty, économiste de l’environnement.  

Transport & Environment a calculé l’impact polluant des différentes catégories d’agrocarburants, ce qui permet de les comparer. Cette organisation européenne regroupe une cinquantaine d’ONG se préoccupant de ces sujets.  

 L’Union européenne roule au diesel 

En théorie, les agrocarburants sont moins polluants que les carburants fossiles. En calculant la moyenne d’émissions des agrocarburants, ils restent en deçà des émissions de gaz à effet de serre produits par le gazole classique. Si l’Union européenne utilisait chaque carburant de manière proportionnelle, ils émettraient 73,6 grammes de COpar mégajoule, une unité d’énergie, contre 94 grammes de CO2 par mégajoule. Mais pour cela, il faudrait que les pays de l’Union européenne utilisent chaque catégorie d’agrocarburant dans les mêmes proportions. Or, c’est loin d’être le cas.  

“Le parc automobile européen se constitue majoritairement de voitures roulant au gazole donc en incorporant du biocarburant dans les transports, il y a une plus grande proportion de biodiesel que de bioéthanol”, explique Hugo Valin, ingénieur travaillant à l’Institut international pour l’analyse des systèmes appliqués.  D’après Transport & environment (qui se base sur un rapport de la Commission européenne en 2017), le biodiesel représente 80 % des agrocarburants utilisés dans l’UE et le bioéthanol seulement 20 %. Pourtant, le biodiesel est plus polluant que le gazole classique. Il produit 171 grammes de COpar mégajoule contre 94 pour le gazole.  

Près d’un quart du biodiesel est créé avec de l’huile de palme dans l’UE. Pour cultiver cette huile peu coûteuse, les exploitants déforestent en masse, alourdissant son bilan carbone.  

La seconde génération d’agrocarburants

Les agrocarburants de nouvelles générations sont peu polluants et certaines espèces absorbent même plus de COqu’elles n’en rejettent. Malheureusement, ils représentent moins de 1 % du biodiesel européen. “C’est beaucoup plus compliqué et plus cher de faire du biocarburant de seconde génération”, explique Hugo Valin, coordinateur de l’étude Globium sur le changement d’affectation des sols dû aux agrocarburants.  

Certaines recherches portent même sur les agrocarburants de troisième génération, à base d’algues. Théoriquement, ces agrocarburants pourraient contribuer à la diminution des émissions de gaz à effet de serre. Mais actuellement, à l’échelle de l’Union européenne, ils contribuent à leur augmentation.  

Et dans certaines filières comme l’aviation, “les agrocarburants peuvent constituer un alibi pour continuer à polluer”, regrette Laurent Castaignède. Cet ancien ingénier a écrit Airvore ou la face obscure des transports : chronique d’une pollution annoncée. Non seulement ces derniers polluent parfois plus, mais ils peuvent aussi servir de prétexte à une logique de croissance polluante. 

Pour comprendre comment nous avons factchecké cette citation rendez-vous ici : urlàvenir.com

 C.Ben Hmida, C.Brégand, J.Le Tellier, C.Mollereau, D.Regny, C.Robert-Motta