Le 11 juillet 2018, lors d’une conférence de presse, la Commission européenne a déclaré : « Tout au long de la chaîne de production, les aliments au sein de l’Union européenne sont traçables ». Une affirmation partiellement vraie.
Elle répondait ainsi à Thilo Bode, fondateur de l’organisation non gouvernementale de défense des consommateurs Foodwatch, qui avait interpellé le président de la Commission européenne, sur les récents scandales alimentaires. Certes, les aliments en circulation dans l’Union européenne sont en principe traçables. Mais dans les faits, cela ne fonctionne pas toujours.
Tracer de l’élevage à la mise en vente n’est pas si simple
La traçabilité permet de marquer les denrées, de l’élevage à la mise en vente des aliments sur le marché. Toutes les étapes de production, transformation et distribution sont vérifiées selon le règlement 178/2002 des parlement et conseil européens. Les exploitants agricoles comme industriels devraient être en mesure d’identifier toute personne leur ayant fourni une denrée alimentaire. Tout comme ils devraient pouvoir identifier toute substance destinée à être incorporée ou susceptible d’être incorporée dans les plats préparés. De plus, la législation européenne oblige les industriels à garantir un étiquetage précis concernant les origines du produit sur leur emballage. Par exemple, les industriels doivent pouvoir tracer d’où proviennent les matières premières qu’ils utilisent. De même que les distributeurs doivent identifier toute personne les ayant fourni.
La traçabilité européenne, un système interactif
En avril 2004, la Commission Européenne a mis en place le Traces (Trade Control and Expert System), plate-forme en ligne de certification de l’ensemble des produits alimentaires, notamment lors de leurs mouvements et importations en Europe. Les industriels doivent y joindre les certificats sanitaires qui accompagnent les mouvements d’animaux ou de produits animaux. Grâce à ces renseignements, le Traces permet de notifier depuis le point de départ, par un message électronique, le point d’arrivée et les points de passages concernés de l’arrivée de marchandises ou d’animaux vivants. Chaque point de passage notifie également aux autres intervenants concernés, ce qui rend le système interactif.
Vidéo de présentation du Traces. Source : Commission européenne
Une vérification est également assurée à l’échelle nationale. En France, c’est notamment le rôle de la Direction générale de la concurrence, la consommation, et la répression des fraudes (DGCCRF), ainsi que de la Direction générale de l’alimentation (DGAL). Ces institutions servent de contrôle supplémentaire. Tous les aliments au sein de l’Union européenne sont donc traçables, mais de là à ce qu’ils soient tracés, il y a une marge.
Si les aliments sont traçables, les autorités européennes n’ont pas réussi à déceler la présence de bactéries dans le lait contaminé Lactalis
Selon plusieurs organisations non-gouvernementales, les récentes infections alimentaires, dont la contamination des œufs au fipronil montrent que cette traçabilité est loin d’être assurée. « Les scandales sanitaires récents montrent que, bien que la traçabilité doit être garantie les aliments ne sont pas tracés. Les autorités mettent beaucoup de temps à identifier où se trouvent les lots contaminés. S’ajoute à cela une couche d’opacité : les consommateurs n’ont pas accès à l’information sur les détails : marques, fabricants concernés », a déclaré Ingrid Kragl, directrice des informations de l’ONG Foodwatch.
« Les scandales alimentaires qui ont touché la France », via Statista
« Les autorités n’ont déterminé ni le nombre d’œufs contaminés par l’insecticide fipronil – ils se comptent par millions –, ni les endroits précis où ils ont été distribués », selon un communiqué de presse l’association Foodwatch. Si les aliments sont traçables, les autorités européennes n’ont pas réussi à déceler la présence de bactéries dans le lait contaminé Lactalis, ou encore plus récemment, la présence d’organismes génétiquement modifiés normalement interdits dans certains aliments. Les denrées sont certes, traçables, mais pas toujours tracées.
À lire : Traçabilité alimentaire : recette d’un fact-checking
Législation alimentaire dans l’UE : les associations en première ligne L’organisation non gouvernementale de défense des consommateurs Foodwatch a organisé une manifestation une manifestation devant le Parlement européen, à Bruxelles, en septembre dernier. Venue qualifier la déclaration de la Commission européenne de « irrespectueuse à l’égard des citoyens européens », l’ONG multiplie les actions afin de bousculer les institutions européennes. En février dernier, elle a déposé plainte contre l’Union européenne suite au scandale du lait contaminé Lactalis. Elle a par la suite publié un rapport de huit propositions portant sur la législation alimentaire de l’UE, mise en place à partir du début des années 2000. Leur objectif étant de modifier les fondamentaux du livre blanc sur la sécurité alimentaire, écrit par la Commission européenne et adopté en janvier 2000 afin d’améliorer les fiabilité des produits, qui énonce quatre principes dits comme fondamentaux pour l’Union européenne : responsabilité, précaution, transparence et traçabilité. Leurs revendications principales sont la mise en place d’une législation efficace qui permette aux consommateurs d’accéder auprès des pouvoirs publics à toute information relative aux produits alimentaires, ou bien encore l’obligation de des entreprises d’effectuer des tests systématiques sur leurs produits. |
O.Audibert, M.Bondon, A.Dumaine, R.Haillard, T.Hermans, C.Murhula, P.Neybourger.