Fact Check

Les maladies causées par les perturbateurs endocriniens coûtent-elles plus de 157 milliards d’euros par an à l’UE ?

Le 5 octobre 2017, l’eurodéputé Gilles Pargneaux écrivait sur son blog que les perturbateurs endocriniens « coûtent chaque année, en matière de santé publique, à l’Union européenne plus de 157 milliards d’euros ». Une affirmation qui s’appuie sur une étude de 2015 chiffrant le coût sanitaire des perturbateurs endocriniens à l’échelle européenne, dont les résultats ne sont pas remis en cause.

Sur son blog hébergé par le Huffington Post, le député européen socialiste Gilles Pargneaux écrivait, le 5 octobre 2017, le paragraphe suivant :

« Baisse de la fertilité masculine, puberté précoce, obésité, diabète, malformations congénitales, cancers du sein et aussi, malheureusement, d’autres formes de cancers: ces maladies graves qui peuvent entraîner des morts prématurément et qui sont dues à ces perturbateurs endocriniens coûtent chaque année, en matière de santé publique, à l’Union européenne plus de 157 milliards d’euros, soit 1,23% du produit intérieur brut de l’Union. »

En évoquant un coût sanitaire de « plus de 157 milliards d’euros par an », Gilles Pargneaux  a raison, mais en partie seulement. D’où le député tient-il ce montant précis? Une seule étude, réalisée par 18 chercheurs membres de l’Endocrine Society et indépendants de la Commission européenne, donne ce chiffre.

Une fourchette comprise entre 2,5 et… 239 milliards d’euros par an

Publiée en avril 2015 dans le Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism, elle fait état d’un « coût sanitaire » des perturbateurs endocriniens « de 157 milliards d’euros annuels” dans l’UE. Soit le même chiffre que celui utilisé par Gilles Pargneaux. Contacté, ce dernier confirme qu’il tire bien son affirmation de cette étude internationale, issue de plusieurs mois de recherches au cours du printemps 2014.

Ce travail visait à évaluer le coût économique, pour l’Europe, des méfaits directement liés aux perturbateurs endocriniens. Pour aboutir à des résultats chiffrés, les experts se sont regroupés en trois panels : obésité et diabète, pathologies neuro-développementales, et altérations des capacités de reproduction chez l’homme. En se fondant sur les études scientifiques déjà disponibles concernant ces pathologies, le groupe de recherche a abouti à une estimation comprise entre 2,5 et 239 milliards d’euros par an – le montant annuel de 157 milliards constituant le point médian de cette fourchette. Soit une variation de 1 à 100 !

« La partie immergée de l’iceberg »

Cette étude comporte toutefois des limites. Leonardo Trasande, économiste de l’université de New York et partie prenante de l’étude, estimait sur le site Sciences et Avenir, que la conclusion des panels ne représente « que la partie immergée de l’iceberg » du coût total des perturbateurs endocriniens en Europe, car elle a été réalisée « à partir d’environ 5% des perturbateurs endocriniens, faute de données clé sur les autres substances ».

Les chiffres obtenus dépendent grandement, de plus, des liens de causalité admis scientifiquement entre les perturbateurs endocriniens et les pathologies. C’est pour cette raison que les pathologies neuro-développementales représentent 82% du coût total. « La relation entre les PE et la perte de quotient intellectuel est celle qui a été le plus documentée, parce que c’est celle qui se repère le plus facilement », justifie l’endocrinologue Barbara Demeneix, qui a également pris part à l’étude.

Robert Barouki, biochimiste et toxicologue à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) estime lui, que cette étude est le fruit de « calculs économiques assez classiques ». « Si la fourchette est grande, c’est parce que les chercheurs n’ont pu faire que des hypothèses, ajoute-t-il. Le coût obtenu donne une idée de la réalité à partir des données disponibles, mais on ne peut pas aller plus loin actuellement.»

Cette étude unique a été actualisée en 2016, en y ajoutant notamment le coût annuel des cancers du sein liés aux perturbateurs endocriniens. Le résultat obtenu est relativement similaire à celui de la précédente étude : la médiane se situe à un coût de 163 milliards d’euros par an.

 

O. Berger-Saraf, M. Bouillié, M. Burgaud, J. Claude-Jarrige, M. Desrumaux, P. Idczak, E. Meyer-Vacherand