Face à sept membres du mouvement des gilets jaunes, le 29 novembre, dans les locaux du Parisien, François De Rugy, le ministre de la transition écologique et solidaire a déclaré
“Un véhicule électrique, sur toute sa durée de vie, pollue moins qu’un diesel ou une essence, contrairement à ce qu’affirment certains”.
Cette affirmation est partiellement vraie, en considérant que la pollution inclut les émissions de gaz à effet de serre (dont le CO2), mais aussi les impacts environnementaux locaux des véhicules sur tout leur cycle de vie.
La production : avantage pour le véhicule classique
La production des véhicules électriques est plus polluante que celle des véhicules électriques. Une revue de littérature effectuée en 2017 par l’ONG Transport&Environment conclut qu’environ un tiers des émissions de gaz à effet de serre des véhicules entièrement électriques provient de la production du véhicule, contre moins de 10% pour un véhicule diesel.
Cette pollution résulte notamment de l’extraction des métaux (communément appelés “terres rares”) entrant dans la composition des batteries des véhicules électriques. Par exemple, le processus d’extraction du lithium utilise des hydrocarbures ou d’autres solvants. Ce surplus d’émissions de gaz à effet de serre lors de la production des véhicules électriques résulte également des technologies élaborées qu’ils embarquent, et dont la fabrication est de fait plus gourmande en énergie. La fabrication des véhicules électriques a également des impacts environnementaux locaux. Un avis de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie publié en 2016 indique que « pour l’acidification des milieux, l’impact du véhicule électrique est supérieur de 25% à celui d’un véhicule diesel”.
L’utilisation : le véhicule électrique prend la tête
Lorsqu’un véhicule électrique roule, son bilan écologique devient meilleur que celui d’une voiture thermique. Une voiture à essence pollue à hauteur de 125-150 g de CO2 par km parcouru alors qu’un véhicule électrique alimenté avec une électricité nucléaire (comme c’est le cas en France) par exemple n’émettra que 2 g de CO2 par km parcouru, soit 60 à 75 fois moins.
Selon l’ADEME « une berline électrique émet en moyenne 2 fois moins (-44%) qu’un véhicule diesel de la même gamme, une citadine électrique émet en moyenne 3 fois moins (-63%) de gaz à effet de serre qu’une citadine essence ».
La revue de littérature de l’ONG Transport&Environment de 2017 (prenant en compte une centaine d’articles universitaires évaluant l’impact environnemental des véhicules électriques en prenant en compte tout leur cycle de vie) indique que la source de production de l’électricité constitue la part la plus importante des émissions de gaz à effets de serre des véhicules entièrement électriques.
Elle varie largement selon les pays en fonction de la part des sources fossiles de production d’électricité dans le mix électrique. Cette dernière est considérée comme basse en France, puisqu’elle repose dans une proportion conséquente sur le nucléaire.
D’après les auteurs de cette revue de littérature, même dans les pays avec un mix électrique fortement carboné, l’impact environnemental d’un véhicule entièrement électrique reste moindre que celui d’un véhicule diesel, sur l’ensemble de sa durée de vie.
Selon l’ONG Transport&Environment, le bilan environnemental global du véhicule électrique est meilleur que celui du véhicule à combustion. C’est également ce qu’a démontré une étude européenne. De plus, le véhicule électrique nécessite de produire moins d’énergie qu’un véhicule thermique pour parcourir la même distance (112 mégajoules de pétrole sur 100 km contre 168).
Le recyclage : en attendant la troisième mi-temps…
En Europe, seules 5% des batteries lithium sont recyclées. Les batteries non traitées sont très polluantes car elles génèrent des gaz toxiques pour l’environnement, des polluants contaminant les nappes phréatiques, ainsi que l’atmosphère.
La première limite du recyclage est que les batteries sont différentes selon les constructeurs. Il est donc difficile d’élaborer un processus standardisé pour recycler ces batteries. La deuxième limite est que même en recyclant ces batteries nous sommes aujourd’hui incapables de récupérer 100% des matériaux utilisés. Et surtout, le recyclage des batteries demande beaucoup d’énergie et de ressources.
Dans une étude comparative menée en 2016, des chercheurs ont estimé que les méthodes actuelles de recyclage permettent de récupérer entre 50 et 85% des matériaux, grâce à des processus chimiques complexes. L’étude indique qu’il serait possible d’améliorer ces rendements, mais ce au prix d’autres processus ayant un « coût non-négligeable ».
C’est ce que confirme l’échange avec Louis Ribeauville (étudiant ingénieur automobile et en aéronautique) “le recyclage de batteries est très cher, trop cher pour que l’on passe au tout électrique”.
Même si l’on parvient à voir émerger une filière du recyclage, elle ne pourra pas se faire sans un coût économique et surtout environnemental.
Score final : la voiture électrique l’emporte
Le véhicule électrique est donc moins polluant qu’un véhicule thermique mais il n’est pas écologique pour autant. Se pose la question de la durabilité du modèle et de son impact sur la biodiversité.
Durée de vie des batteries, recyclage des batteries, extraction et utilisation des « terres rares »… Ces enjeux majeurs ne se limitent pas à leur impact en termes d’émissions de gaz à effet de serre.
On peut ainsi craindre un certain manque de recul dans les études évaluant l’impact environnemental des véhicules électriques.
C.Ben Hmida, C.Brégand, J.Le Tellier, C.Mollereau, D.Regny, C.Robert-Motta